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Congé pour reprise d’un bail rural : attention aux règles de forme et de fond

Lorsque le bailleur d’un bail rural souhaite reprendre ses terres sans attendre l’expiration du terme du bail, il peut délivrer congé au preneur. C’est le cas du congé dit « pour reprise ».

 Qui peut bénéficier du congé pour reprise ?

L’article L. 411-58 du code du rural prévoit quatre catégories de personnes pouvant bénéficier du congé pour reprise :

  • Le bailleur lui-même ;
  • Le conjoint du bailleur ;
  • Le partenaire (PACS) du bailleur ;
  • Un descendant majeur ou mineur émancipé du bailleur.

 A quelle condition générale ?

Le congé pour reprise implique nécessairement que les terres concernées fassent l’objet d’une exploitation par le bénéficiaire du congé.

 Sous quelles conditions particulières ?

Pour que le congé pour reprise soit valable et éviter qu’il ne soit contesté par le preneur, des règles de forme ainsi que des règles de fond doivent être strictement observées.

I/ Les règles de forme du congé pour reprise

En application de l’article L411-47 du code rural, le congé délivré au preneur doit respecter plusieurs règles de forme, à peine de nullité :

  • Il doit être notifié par voie d’huissier au moins 18 mois avant l’expiration du bail ;
  • Il doit mentionner expressément les motifs de reprise ;
  • Il doit indiquer les nom, prénom, âge, domicile et profession du bénéficiaire de la reprise ainsi que le(s) habitation(s) que le bénéficiaire des terres reprises occupera ;
  • Reproduire les termes de l’article L411-54 du code rural[1].

Le congé doit évidemment être signé par le(s) propriétaire(s) des terres concernées par le bail.

Si les terres appartiennent au bailleur en pleine propriété, il peut signer le bail seul.

Si les terres sont soumises au régime de l’indivision, au moins 2/3 des co-indivisaires doivent signer le congé[2]. Cela signifie a contrario que le propriétaire détenteur de plus des 2/3 des droits indivis peut signer le congé seul.

Si les terres ont été acquises par les deux époux mariés sous le régime de la communauté, la jurisprudence semble considérer que les deux époux doivent signer le congé, sauf à ce que l’un d’eux justifie d’un pouvoir qui lui aurait été donné par l’autre à cette fin [3].

II/ Les règles de fond du congé pour reprise

Le congé pour reprise impose le respect de règles contraignantes, devant impérativement être respectées afin qu’il ne soit pas annulé si le Tribunal paritaire des baux ruraux (TPBR) venait à être saisi d’une contestation par le preneur.

Ces règles sont énoncées par l’article L411-59 du code rural :

• L’engagement d’exploitation

Le bénéficiaire de la reprise doit s’engager à exploiter personnellement, effectivement et en permanence les terres concernées. Il ne peut, en aucun cas, se contenter de diriger et surveiller l’exploitation. Au contraire, le bénéficiaire de la reprise doit participer aux travaux.

A ce titre, il est préférable que le bénéficiaire de la reprise n’exerce pas d’autre activité professionnelle, ou qu’il s’engage à abandonner son activité pour se consacrer à la reprise.

La jurisprudence se montre sévère à ce sujet en admettant difficilement que l’exercice d’une autre profession soit compatible avec la reprise qui implique une participation effective et permanente aux travaux. L’on peut relever plusieurs exemples d’incompatibilités : médecin, boucher, infirmier, courtier, chef de travaux, comptable, notaire, agent d’assurances, ingénieur technicien, consultant gérant d’une société ou encore directeur de société[4].

• Les moyens d’exploitation

Le bénéficiaire de la reprise doit posséder le cheptel et le matériel nécessaires ou, à défaut, doit avoir les moyens de les acquérir.

Il lui incombe simplement de justifier qu’il en dispose effectivement ou qu’il a effectivement les moyens de les acquérir[5].

• L’obligation d’habitation

Le bénéficiaire de la reprise doit occuper les bâtiments d’habitation du bien repris ou, à défaut de bâtiments sur les terres concernées, habiter à proximité de ces terres afin de lui permettre une exploitation directe.

En conséquence, le bénéficiaire de la reprise ne doit pas habiter trop loin des terres concernées.

La jurisprudence donne plusieurs exemples permettant d’apprécier l’étendue de cette obligation en acceptant notamment que le bénéficiaire habite jusqu’à 30km de distance[6]. Au contraire, l’éloignement de plus de 40km de distance ne satisfait pas à l’obligation d’habitation[7].

 La capacité ou l’expérience professionnelle

Le bénéficiaire de la reprise doit enfin justifier d’une capacité ou d’une expérience professionnelle, ou qu’il a bénéficié d’une autorisation d’exploiter en application des articles L331-2 à L331-5 du code rural.

ATTENTION : la détention d’un diplôme s’apprécie au jour de la délivrance du congé. Le bénéficiaire de la reprise doit donc être effectivement titulaire du diplôme dont il s’agit lorsque le congé est délivré[8].

 Le congé pour reprise obéit donc à plusieurs règles de forme et de fond auxquelles il faut prêter la plus grande attention.

 Si ces règles ne sont pas respectées, le congé pourra être annulé par le TPBR compétent et le bail rural sera reconduit pour une durée de 9 ans au profit du preneur.

→ Dans ces conditions, si vous souhaitez délivrer congé pour reprise ou si vous souhaitez contester un congé pour reprise, consultez votre avocate !


[1] : « Le congé peut être déféré par le preneur au tribunal paritaire dans un délai fixé par décret, à dater de sa réception, sous peine de forclusion. La forclusion ne sera pas encourue si le congé est donné hors délai ou s’il ne comporte pas les mentions exigées à peine de nullité par l’article L. 411-47.

Le tribunal apprécie les motifs allégués par le propriétaire lors de la notification du congé. S’il constate que le congé n’est pas justifié par l’un des motifs mentionnés à l’article L. 411-31, il ordonne le maintien du preneur dans l’exploitation pour un bail d’une nouvelle durée de neuf ans. »

[2] : Cass., 3ème civ., 17 novembre 2016, n° 15-19.957

[3] : Cass., 3ème civ., 9 novembre 1982, n° 81-15.787

[4] : Cass., 3ème civ., 5 mai 1976

[5] : Cass., 3ème civ., 30 juin 1999, n° 97-21.624

[6] : Cass., 3ème civ., 27 avril 1982

[7] : Cass., 3ème civ., 1er juin 1977

[8] : Cass., 3ème civ., 10 janvier 1990, n° 88-18.127

Article écrit par Me Chloé Schmidt-Sarels

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